Pour les généalogistes amateurs comme professionnels, disons-le franchement, parvenir sur une page d’archives qui indique qu’un acte a été rédigé le 2 brumaire an cinq de la République française est une réelle complication ! Nous allons devoir convertir la date et même si ce n’est pas difficile grâce à internet ou à notre logiciel de généalogie préféré, nous allons un peu renâcler !
Alors pourquoi ne pas passer quelques minutes à comprendre ce qu’était le calendrier républicain ?
Le calendrier républicain, dit aussi calendrier révolutionnaire, est entré en vigueur le 24 novembre 1793 durant la Révolution française. De son concepteur principal Charles Gilbert Romme, il ne reste rien dans les mémoires. L’histoire n’a retenu que le nom du poète qui a inventé les lyriques noms de ses mois, Philippe Fabre d’Églantine.
Créé pour déchristianiser la société française et servir à l’instruction publique, ce calendrier est divisé en 12 mois de 30 jours, complétés en fin d’année par 5 jours supplémentaires. Conçu scientifiquement, il doit éliminer la référence irrationnelle et servile au calendrier grégorien. Ses mois et ses jours portent des noms poétiques inspirés par la nature.
Toutefois, trop complexe, lourd et impopulaire, il est abrogé le 31 décembre 1805 par Napoléon Ier.
Vous trouverez à la fin de l’article plusieurs convertisseurs du calendrier républicain vers le calendrier grégorien et l’exemple de l’évolution de l’État civil de la ville d’Angers entre septembre 1792 et janvier 1794.
Menu de ce long article qui tente de tout traiter sans toutefois trop s’attarder…
Dates clés du calendrier révolutionnaire
Le 14 juillet 1789 fixe le début de la Révolution française. L’abolition de la monarchie doit attendre le 21 septembre 1792.
La Première République commence donc le 22 septembre 1792, c’est le premier jour de l’an premier de la République française, ou Ere des Français.
Un nouveau calendrier entre en vigueur le 6 octobre 1793 et sa forme définitive est fixée par décret de la Convention nationale le 24 novembre 1793 ou 4 frimaire an II.
« L’ère vulgaire est abolie pour les usages civils ».
Concepteurs du calendrier républicain
Le 20 décembre 1792 la Convention charge le Comité d’Instruction Publique d’établir une concordance entre la nouvelle ère républicaine et l’ancienne ère.
Une première commission s’attelle à cette tâche. Elle est composée de membres de l’Académie des Sciences pour la partie scientifique et de plusieurs parlementaires pour la partie politique :
Charles-Gilbert Romme, député du Puy de Dôme
Claude-Joseph Ferry, député des Ardennes
Charles-François Dupuis, érudit, membre de l’institut de France et lui aussi député de la Convention
L’idée de la concordance est abandonnée mais celle du nouveau calendrier suit son cours. Romme présente son rapport à la Convention le 20 septembre 1793.
Vous trouverez ci-dessous sa proposition très complexe à mémoriser qui ne sera pas retenue
La Convention fait procéder à des modifications et finalement on ne retient pour le nom des mois que des appellations numériques.
Voilà un exemple du format retenu : le deuxième jour de la cinquième décade du deuxième mois de l’An II de la république française une et indivisible………
Ce calendrier modifié est adopté par décret après de nombreuses hésitations le 5 octobre 1793.
La mise en œuvre du calendrier s’avère finalement très compliquée car le format des dates est tout sauf pratique !
Une nouvelle commission est alors formée à laquelle on adjoint Philippe-François-Nazaire Fabre, dit Fabre d’Eglantine, comédien, auteur de théâtre et poète, député de la Seine à partir de 1792.
Avec la collaboration de Marie-Joseph Blaise de Chénier, poète frère d’André Chénier, et du peintre célèbre Jacques Louis David, Fabre d’Eglantine propose la version qui va immortaliser son nom, faire oublier celui de Romme et faire entrer dans l’histoire le calendrier révolutionnaire sous le nom de calendrier de Fabre d’Eglantine.
Buts de ce calendrier révolutionnaire
L’objectif de ce changement de calendrier est de donner à la société française un calendrier « purement civil » et de rythmer le temps en déchristianisant cette société.
Par cette réforme du calendrier, la Convention souhaite retirer la gestion du temps des mains du clergé et détruire le dimanche (jour traditionnellement voué à l’adoration de Dieu).
Par ailleurs les initiateurs de ce calendrier sont profondément marqués par la démarche scientifique et veulent donc débarrasser la société d’un moyen trop chrétien et « irrationnel » de décompter le temps.
Ils veulent servir l’instruction publique ainsi que l’explique le rapporteur de la commission qui a créé ce calendrier :
« glisser parmi le peuple les notions rurales élémentaires… lui montrer les richesses de la nature…lui faire aimer les champs »
Il disent enfin vouloir mettre en valeur l’agriculture
« Le temps où le laboureur est plus estimé que tous les rois de la terre ensemble et l’agriculture comptée comme le premier des arts de la société civile. »
Structure de ce calendrier républicain
Je tire mes informations directement du texte publié par la Convention nationale, dont le lien figure en bas de page.
La durée de l’année républicaine sera toujours de 365 ou 366 jours mais elle sera divisée en douze mois de trente jours chacun, parachevés par cinq jours complémentaires appelés aussi jours épagomènes (avec un autre jour supplémentaire, soit six jours lors des années bissextiles) appelés les jours SANCULOTTIDES en souvenir de la Révolution française.
Les douze mois de l’année resteront groupés en quatre saisons. Chaque saison sera reconnaissable à sa « désinence affectée » et comportera
« trois mois consécutifs et produisant quatre sons dont chacun indique à l’oreille la saison à laquelle il est appliqué ».
Chaque mois sera divisé en trois décades de dix jours, dont un jour de repos. La première décade portera le numéro I, la deuxième le II et la troisième le III assez logiquement.
Chaque jour de la décade portera un nom spécifique. Les noms de jours sont inspirés du latin. On ne parle plus de jour de la semaine comme dans l’ancien calendrier puisque la semaine n’existe plus !
- Primdi
- Duodi
- Tridi
- Quartidi
- Quintidi
- Sextidi
- Septidi
- Octidi
- Nonidi
- Décadi
Chaque jour de l’année aura pour patron, non plus un saint comme dans le calendrier grégorien, mais un produit de la nature « les grains, les pâturages, les arbres, les racines, les fleurs, les fruits, les plantes ».
A chaque quintidi sera attaché un animal lié à la saison en cours, à chaque décadi un « instrument aratoire » que le paysan utilisera le lendemain de son jour de repos.
Un calendrier conçu sur des bases scientifiques
La Convention convoque des astronomes, experts en calendriers.
Ils sont des produits du siècle des Lumières et de ses avancées scientifiques. Le système métrique, qui vient d’être inventé, les inspire. Il sont aussi mus par leur répugnance envers tous les anciens calendriers « rédigés par des tyrans et responsables de l’asservissement des peuples ».
Ils décident donc d’abandonner le calendrier grégorien qui avait été mis en place par le Pape Grégoire XIII lors de la réforme grégorienne en 1582.
Celui-ci remplaçait déjà l’ancien calendrier julien, calendrier solaire datant de Jules César comme l’indique son nom : c’est lui qui déplacé le début de l’année julienne du 1er janvier au 1er mars entre autres modifications. Il faut noter que le calendrier julien avait été institué pour corriger les approximations du calendrier romain qui le précédait et qui était un calendrier lunaire !
Ils conservent la référence au cycle lunaire en validant la notion de mois.
Du calendrier égyptien et du calendrier babylonien, ils reprennent les mois égaux (douze fois trente jours) et les cinq jours épagomènes (cinq jours supplémentaires).
Ils se basent sur l’année solaire ou année tropique (définie à 365.25 jours) et ajoutent donc un jour intercalaire tous les quatre ans, dans une année spéciale, l’année bissextile (appelée année sextile pour éviter la référence au calendrier romain !).
Ils décident enfin que
« Le commencement de chaque année du calendrier est fixé à minuit commençant le jour où tombe l’équinoxe vrai d’automne pour l’observatoire de Paris ».
Malheureusement les politiciens ne prennent pas en compte à ce moment-là tous les arguments des scientifiques, ce qui crée de futurs problèmes d’intercalation.
Il faut donc revenir sur ce calendrier en 1795 avec l’aide du spécialiste en astronomie et mathématicien Jean-Baptiste Joseph Delambre pour mieux faire coïncider l’année moyenne astronomique avec l’année civile du calendrier républicain.
Les mois du calendrier républicain
« La commission que vous avez nommée pour rendre le nouveau calendrier plus sensible à la pensée et plus accessible à la mémoire, a donc cru qu’elle remplirait son but si elle parvenait à frapper l’imagination par les dénominations et à instruire par la nature et la féerie des images »
François Fabre d’Eglantine
C’est ici que les concepteurs du calendrier démontrent leur beau génie poétique.
Comme on l’a vu, chaque mois se termine par la sonorité de sa saison
-AIRE pour l’automne, « son grave et mesure moyenne »
-OSE pour l’hiver, « son lourd et mesure longue »
-AL pour le printemps, « son gai et mesure brève »
-OR pour l’été, « son sonore et mesure large »
Voici donc les noms des mois, avec l’exemple de l’an II
On trouve pour l’automne la première saison du calendrier :
Vendémiaire du 22 septembre au 21 octobre « vieux style », mois des vendanges
Brumaire du 22 octobre au 20 novembre, mois des brouillards et des brumes
Frimaire du 21 novembre au 20 décembre, mois du froid tantôt sec, tantôt humide
L’hiver regroupe les mois suivants :
Nivôse du 21 décembre au 19 janvier « vieux style », mois de la neige
Pluviôse du 20 janvier au 18 février, mois des pluies
Ventôse du 19 février au 20 mars, mois des giboulées et du vent
Le printemps est représenté par ces mois :
Germinal du 21 mars au 19 avril « vieux style », mois de la fermentation (sic) et du développement de la sève
Floréal du 20 avril au 19 mai, mois de l’épanouissement des fleurs
Prairial du 20 mai au 18 juin, mois de la fécondité riante et de la récolte des prairies
Les trois derniers mois pour l’été sont :
Messidor du 19 juin au 18 juillet « vieux style », mois des épis ondoyants et des moissons dorées
Thermidor du 19 juillet au 17 août, mois de la chaleur solaire et terrestre
Fructidor du 18 août au 21 septembre, mois des fruits que le soleil dore et mûrit
Comment retenir le nom des mois du calendrier républicain ?
Je vous propose humblement ce moyen mnémotechnique avec une petite poésie de mon cru 😊
Vendangeur des Brumes Froides
chasse la Neige, la Pluie, le Vent.
déjà Germent les Fleurs des Prés,
des Moissons d’or Tombent les Fruits.
Jours du calendrier républicain
Les jours du calendrier républicains, mis à part leurs noms d'ordre inspirés du latin que l’on a déjà vus, sont aussi figurés, en remplacement des saints, par des outils, des animaux ou des produits de la nature en relation avec la saison concernée.
Sans les énumérer tous, on peut en donner un extrait.
En automne, mois de vendémiaire, on trouve le raisin pour le primdi de la première décade, la citrouille pour le septidi de la deuxième décade et le tonneau pour le décadi de la troisième décade.
En hiver, mois de nivôse, les patrons des jours du mois sont par exemple la térébenthine, la houille ou l’ardoise.
Au printemps, mois de germinal, les produits de la nature sont la pervenche, le hêtre ou pour les animaux la ruche.
En été, mois de messidor, on trouve la lavande, l’échalote, la menthe ou pour les animaux la pintade.
Les plus cocasses ou étranges que j’ai pu relever sont le pétrole, le fumier, le turneps, le plâtre, le mézéréon, la trainasse, le vélar, le jumart, le sucrion…
La Saint Martin ou la Saint Jean qui étaient les repères presque éternels des campagnes ont disparu.
Fin du calendrier républicain
Le calendrier républicain est abandonné fin 1805 en raison de sa complexité et de son manque de popularité.
Le calendrier républicain n’a pas une date de début fixe connue longtemps à l’avance du fait de la fixation du début de l’année en fonction de l’heure de l’équinoxe d’automne.
Il est aussi considéré comme une émanation de la Révolution française et de la République et n’est donc pas très populaire auprès de ceux qui s’opposent aux idées de la Révolution. Le fait que plusieurs années le 25 décembre tombe le jour de la fête du chien n'a pas non plus été très apprécié...
Il n’est guère aimé des Français en général qui ne disposent plus que d’un jour de repos tous les 10 jours au lieu d’un jour tous les 7 jours auparavant.
Enfin, les scientifiques français souhaitent se conformer aux usages de la communauté scientifique internationale qui continue à utiliser le calendrier grégorien.
Le calendrier républicain est finalement abrogé par Napoléon Ier le 31 décembre 1805, dix nivôse de l’an quatorze.
Le retour au calendrier grégorien est effectif le 1er janvier 1806, comme on le voit sur cette page d’un registre d’état civil. C'est la fin du calendrier républicain dans les usages mais certainement pas dans les esprits.
Adresses de plusieurs sites pour convertir le calendrier républicain
Je vous donne en priorité les convertisseurs de calendrier républicain qui émanent des services publics
Personnellement j’utilise ce convertisseur des Archives du Pas de Calais, très simple d’utilisation
Il en existe beaucoup d’autres :
Les archives du Var proposent aussi un bon convertisseur.
On trouve aussi le convertisseur du site Mémoire des Hommes, du ministère de la Défense
A Angers en pratique, comment les actes d’état civil ont-ils suivi les nouvelles règles du calendrier républicain ?
J’ai retrouvé les évolutions des formats de date dans les actes d’état civil de la ville d’Angers.
24/09/1792 le vingt quatrième jour de septembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l’an quatrième de la Liberté
27/09/1792 3 jours plus tard, le vingt septième jour de septembre mil sept cent quatre-vingt-douze, l’an Premier de la République française (le rédacteur a commencé à écrire le nom quatre et l'a barré)
07/01/1793 septième jour de janvier 1793, l’an Deuxième de la République française
01/11/1793 premier novembre 1793, l’an deux de la République française une et indivisible
03/11/1793 deux jours plus tard le format a changé, 13 du second mois de l’an Second de la République française une et indivisible (entre parenthèses la date ancien style)
10/11/1793 vingtième du second mois de l’an Second (de l'an Second !) de la République française une et indivisible, date ancienne après la virgule
13/11/1793 2 jours plus tard changement de format, vingt-trois brumaire de l’an deux de la République française une et indivisible, date ancienne après la virgule
19/12/1793 vingt neuf frimaire l'an deux de la République française une et indivisible, date ancienne après la virgule
21/12/1793 deux jours plus tard, deux nivôse l’an deux de la République française une et indivisible ,mention de l’ancienne date en marge et abrégée (peut-être même une erreur du rédacteur car le 2 nivôse avec le convertisseur tombe le 22 décembre !)
01/01/1794 douze nivôse l'an 2e de la République française une et indivisible, encore en marge l’ancienne date
02/01/1794 le lendemain, treize nivôse l'an deux de la République française une et indivisible, fin des mentions marginales
Références de cet article
Décret de la Convention suivi du nouveau calendrier républicain (sur le site Gallica)
Source des images
Wikimedia Commons
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Mise à jour du 25/01/2024
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